La GenZ peut-elle redéfinir les règles du travail ?

LE DOSSIER - HESPRESSO #9
La génération Z, celle des "digital natives", pourrait redéfinir les codes du monde professionnel. Face à ces nouveaux talents, les entreprises doivent se réinventer pour les séduire et les retenir.
« Les jeunes d’aujourd’hui aiment le luxe, ils sont mal élevés, méprisent l’autorité, n’ont aucun respect pour leurs aînés et bavardent au lieu de travailler ». Ce coup de gueule n’est pas attribué à un voisin râleur, mais à Socrate, il y a près de 2500 ans déjà. Le phénomène n’est donc pas nouveau, au contraire. Alors comment expliquer la persistance des préjugés sur les jeunes ? Pour Alexandra Hugo, experte en ressources humaines, « les nouvelles générations ont souvent tendance à cristalliser les enjeux du moment ».
Aujourd’hui, contrairement à leurs aînées et aînés en leur temps, les jeunes de la GenZ sont plus en position de force sur le marché de l'emploi, en grande partie à cause de la pénurie de main-d'œuvre. Cette situation leur permet de choisir plus facilement où et comment ils souhaitent travailler, imposant ainsi de nouvelles attentes aux entreprises… et des situations parfois délicates.
Un besoin d’autonomie et d’implication
La génération Z se distingue par son désir d’autonomie et son besoin d'implication dans les décisions. "Ils et elles veulent pouvoir donner leur avis, s’impliquer et exercer des responsabilités," explique Alexandra Hugo. Cette tendance s'illustre particulièrement sur les réseaux sociaux, où les jeunes de la Gen Z partagent régulièrement leurs opinions. Ce comportement s'étend naturellement à leur environnement professionnel, où ils recherchent plus souvent des postes qui leur permettent de s'exprimer et de contribuer activement.
Contrairement à l'image parfois véhiculée, ces jeunes cherchent un équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle. Il leur arrive même de devenir des "slasheurs", cumulant plusieurs emplois ou projets pour diversifier leurs expériences et trouver un équilibre qui leur convient. "Ils ne veulent pas tout sacrifier pour leur travail, mais pouvoir prendre du temps pour eux," souligne la spécialiste RH. Cette approche du travail reflète une volonté de ne pas se laisser enfermer dans un seul rôle ou une seule entreprise.
Des attentes nouvelles en matière d’environnement de travail
La pandémie de COVID-19 a profondément transformé la manière dont la génération Z perçoit le travail. "Ils et elles veulent pouvoir travailler depuis n’importe où," en référence à l'intérêt croissant des jeunes pour le télétravail et le nomadisme digital. Ce désir de flexibilité géographique est renforcé par la conviction qu'ils et elles peuvent facilement retrouver un emploi, en raison de la forte demande de main-d'œuvre qualifiée.
Les entreprises doivent donc repenser leur approche pour attirer ces talents. La question "Où vous voyez-vous dans 10 ans ?" lors d’un entretien d'embauche est devenue obsolète. Les jeunes sont bien conscients de la rapidité avec laquelle le monde évolue, notamment avec l'arrivée de l'intelligence artificielle (IA). "L'IA va changer les compétences que l’on va demander aux jeunes qui arrivent sur le marché du travail," prévoit Alexandra Hugo. La capacité à réfléchir de manière critique, à résoudre des problèmes et à collaborer de manière pluridisciplinaire seront des compétences clés, tandis que les tâches routinières et sans valeur ajoutée seront automatisées.
Politiques RH : vers une nouvelle ère
Pour attirer et retenir les talents de la génération Z, les entreprises doivent d'abord comprendre leurs attentes. "Il faut savoir ce qu’est leur public cible et modifier l’environnement de travail en conséquence," conseille-t-elle encore.
Les méthodes de management devraient également s'adapter. "La motivation est très présente quand il y a de la liberté." La génération Z accorde une grande importance à la confiance accordée par leurs supérieures et supérieurs. Les entreprises devraient donc s’intéresser à un management basé sur les objectifs plutôt que sur les horaires stricts. L'idée est de valoriser les résultats plutôt que le temps passé au bureau, en offrant aux collaboratrices et collaborateurs la liberté de gérer leur temps comme ils et elles l'entendent moyennant bien évidemment les résultats attendus.
La question est évidemment stratégique, et là réside une autre limite des directions actuelles. "Beaucoup d’entreprises utilisent encore de vieilles méthodes de recrutement et de gestion du personnel, car les services RH ne sont pas encore très valorisés à un niveau stratégique," déplore la spécialiste RH. Pour séduire la génération Z, les entreprises pourraient donc adopter une approche plus centrée sur l'humain et le développement des compétences.
Les défis pour les managers
Encadrer la génération Z présente donc des défis spécifiques et les managers doivent être prêts à naviguer dans un environnement de travail en constante évolution. "Il faut être à l’aise avec les incertitudes," affirme Alexandra Hugo. Les crises, qu'elles soient sanitaires, économiques ou géopolitiques, exigent des réponses rapides et adaptées, et les jeunes s'attendent à ce que leurs managers sachent les guider dans ces moments d'incertitude.