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poignées de main - photo
Monday 26 September 2022 16:09

LE SAVIEZ-VOUS ? - Combien faut-il d’intermédiaires pour arriver à contacter n’importe qui sur la planète ? La question, plus compliquée qu’il n’en a l’air, a été traitée pour la première fois il y a presque un siècle. 

Imaginez que vous deviez remettre une lettre à Gurdeep Hazarika, habitant du Gujarat que vous ne connaissez ni d'Eve ni d'Adam, en n'utilisant que 5 intermédiaires. Comment vous y prendriez-vous ? Est-ce même possible ?

Oui, selon la théorie formulée en 1929 par l'écrivain hongrois Frigyes Karinthy. Elle postule que n'importe quel individu sur le globe peut être relié à n'importe quel autre en suivant une chaîne de six relations personnelles. Cette théorie, joliment baptisée "théorie des six poignées de mains" a rassemblé autour d'elle des physiciens, des mathématiciens et des psychologues sociaux, comme le célèbre Stanley Milgram. Celui-ci décida de mettre à l'épreuve de la réalité la théorie de Karinthy. Il mène coup sur coup 2 expériences en 1967 et 1969 qui tendent à prouver ce qu'il appelle le "phénomène du petit monde". La deuxième expérience, mieux documentée, propose à quelque 300 volontaires du Nebraska et de Boston de faire parvenir une lettre à une autre personne inconnue d'eux, dans le Massachusetts. Cette expérience se heurte à la motivation défaillante des sujets : seules 64 lettres parviendront à leur destinataire. Milgram en tire tout de même la conclusion qu’à l’échelle des Etats-Unis seules 3 relations suffisent.

Vous ne serez pas surpris d'apprendre que les réseaux sociaux se sont emparés de ce sujet. Notamment Facebook qui a prétendu en 2011 avoir réduit le nombre de connections en-dessous de 5 et même à 3.5 en 2016. La preuve que le réseau social rapprochait les gens et créait un village planétaire était enfin faite ! Ni le fait que moins de 20% de la population mondiale était inscrite sur Facebook à ce moment-là, ni que nos « amis » Facebook peuvent être des personnes dont nous ignorons tout ne semblait poser de problème au géant du web.

De nombreux·ses mathématicien·ne·s se sont frotté·e·s à une modélisation de ce phénomène, soit par l’analyse, soit par la simulation. Les résultats varient en fonction des méthodes utilisées. Par exemple, selon le modèle Watts–Strogatz, avec 6 milliards d’êtres humains [LC1] (90% de la population mondiale) ayant chacun 30 relations sociales, on arrive à un chiffre de 6.6 poignées de main.

Le modèle Watts–Strogatz avait initialement été développé pour expliquer comment les stridulations des criquets se coordonnent sur de très grandes distances. Chaque criquet se synchronisant sur les criquets alentours, cela crée tout un réseau d’individus s’influençant mutuellement. L’extrapolation vers les êtres humains était somme toute logique.

Cependant, la complexité liée à de nombreuses singularités (canaux de communication multiples, populations vivant en autarcie, personnes isolées etc.) rend difficile la résolution définitive de cette conjecture à l’échelle planétaire. La résoudre à l’échelle locale est plus facile, surtout en Valais, où nous sommes tous cousin·ne·s…

 

Bibliographie:

Petit monde: https://en.wikipedia.org/wiki/Small-world_experiment (beaucoup plus complet en anglais)

6 degrés de séparation: https://fr.wikipedia.org/wiki/Six_degr%C3%A9s_de_s%C3%A9paration

Article de Milgram: https://www.jstor.org/stable/2786545?origin=crossref#metadata_info_tab_contents

Article de Facebook : https://archive.wikiwix.com/cache/?url=https%3A%2F%2Fresearch.fb.com%2Fthree-and-a-half-degrees-of-separation%2F

Modèle Watts–Strogatz: https://en.wikipedia.org/wiki/Watts%E2%80%93Strogatz_model